À Belém, au Brésil, à quelques heures du début de la COP30 sur le climat, Emmanuel Macron s’est déclaré favorable (“plutôt positif”) à la validation de l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur. Alors que peu de sujets font consensus en France actuellement, cet accord climaticide a réussi à faire l’unanimité contre lui, tant dans le monde agricole que dans le monde environnemental. Tous les partis politiques s’y opposent… tous à l’exception désormais du Président de la République qui vient de changer de position ! Pourtant, les raisons de s’y opposer ne manquent pas :
- Signer cet accord, c’est signer avec Lula, le président du Brésil, mais aussi avec Javier Milei, le président d’extrême droite argentin. Quand on est démocrate, il est inacceptable d’offrir un avantage commercial à un gouvernement d’extrême droite climatosceptique.
- L’accord serait une catastrophe d’un point de vue écologique. Les chapitres « développement durable » ne sont pas contraignants. Mais surtout, cet accord va stimuler les échanges de biens nocifs pour l’environnement. L’Union européenne pourra envoyer ses voitures roulant aux énergies fossiles et ses produits chimiques, et tout particulièrement des pesticides dont l’utilisation est interdite chez nous car jugée trop dangereuse pour la santé et l’environnement. Si grâce à un amendement porté par Delphine Batho, l’exportation et la production de ces pesticides interdits ne sera plus autorisée en France à partir du 1 janvier 2026, cette pratique reste encore autorisée dans les 26 autres états-membres. À l’inverse, la baisse des droits européens va permettre une entrée massive de produits agricoles des pays du Mercosur, produits selon des règles environnementales et sanitaires différentes (et moins-disantes) que celles imposées aux agriculteurs européens et cela en toute légalité. Quand on sait que 30% des pesticides interdits en Europe sont autorisés au Brésil, il y a de quoi être inquiet. Une étude du Pesticide Action Network (PAN) de 2018 a révélé la présence de résidus de pesticides interdits ou strictement réglementés dans 12% des aliments échantillonnés, en provenance du Brésil et à destination de l’Europe : plus de la moitié des pommes (77%), du riz (60%) et des haricots (53%) étaient concernés. Enfin, l’entrée en vigueur de l’accord entraînerait une accélération de la déforestation d’au moins 5 % chaque année (et cela rien qu’avec la hausse des importations de viande de bœuf). Si la déforestation de l’Amazonie a ralenti depuis l’arrivée de Lula au pouvoir, pour atteindre son niveau le plus bas depuis onze ans, elle est loin d’être arrêtée. Au total, 5,796 km2 ont été déboisés en Amazonie brésilienne entre août 2024 et juillet 2025. Cela représente encore l’équivalent d’un département chaque année.
- L’accord représente aussi une catastrophe économique pour les agriculteurs européens, et notamment français. En abaissant drastiquement les droits de douane, les produits agricoles brésiliens ou argentins seront encore moins chers, obligeant les agriculteurs européens à faire face à une concurrence déloyale. Rappelons-le, nos modèles agricoles sont très différents : le Brésil et l’Argentine sont des champions de l’agro-business et des fermes géantes. Les pays du Mercosur représentent déjà près d’un quart de l’empreinte pesticide de la consommation de l’UE. Mais surtout, nos règles d’importations autorisent la vente d’aliments traités avec des pesticides interdits dans l’Union européenne, ou de la viande dopée aux antibiotiques utilisés comme hormones de croissance, pratique également interdite (et à juste titre) en Europe. Concrètement, par exemple le soja brésilien vendu dans l’Union européenne en toute légalité utilise des OGM (pratique non autorisée dans l’UE) ; il peut être traité avec du Glusifonate, un herbicide interdit en Europe depuis 2018, et du Magozeb, un fongicide interdit dans l’Union depuis 2021.
Le “changement de position” d’Emmanuel Macron était malheureusement prévisible tant il avait toujours précisé que la France s’opposait au projet d’accord avec le Mercosur “en l’état”. Nous avions dénoncé cette ambiguïté à l’occasion des débats sur la loi Duplomb. Cette position reste injustifiable car l’accord n’a pas changé. Il a même été rendu plus dangereux pour le climat, car à la demande du Mercosur, l’UE a accepté d’ajouter un nouvel outil juridique, appelé mécanisme de rééquilibrage, qui permettra aux pays du Mercosur de sanctionner l’Union européenne si jamais nous décidions, par exemple, d’interdire l’accès au marché européen de certains aliments pour des raisons sanitaires ou environnementales.
Le Président de la République se vante d’avoir obtenu une clause de sauvegarde pour les produits agricoles sensibles. Pour Génération Écologie cette clause est une nouvelle tentative d’enfumage de la Commission européenne et de la France pour faire valider cet accord. Prétendument bloquante pour l’entrée de produits du Mercosur en cas “de dommage grave” ou “de menace de dommage grave” pour l’agriculture européenne, cette clause ne permettra absolument pas de protéger les agriculteurs européens d’une concurrence déloyale, et ce pour plusieurs raisons :
- Il s’agit d’une déclaration unilatérale de la Commission européenne qui n’est pas signée par les pays du Mercosur, elle n’engage donc qu’elle-même.
- Cette clause ne pourra être déclenchée qu’une fois que les dommages auront été constatés, selon des critères trop élevés.
- Le suivi de la Commission se fait au niveau des secteurs agricoles (par exemple, le bœuf) et pas sur les marchés les plus sensibles pour le revenu des agriculteurs (comme par exemple l’aloyau de bœuf qui est le marché le plus rémunérateur pour les éleveurs français).
Les prochaines semaines seront cruciales, puisque la Commission voudrait que l’accord soit officiellement signé le 20 décembre. Pour cela, il faudra un vote du Conseil, et donc des États membres. Afin de contourner un éventuel blocage de certains États, la présidente de la Commission, Ursula Von der Leyen, a déjà annoncé avoir scindé l’accord en deux, pour que 99 % de celui-ci puisse entrer en vigueur rapidement et contourner le vote des parlements nationaux. Ce tour de force démocratique est inacceptable et très certainement illégal. C’est pourquoi Génération Écologie demande que la France saisisse la Cour de justice de l’Union européenne sur cette question et sur celle de la durabilité de l’accord et soutient cette résolution parlementaire. Emmanuel Macron s’y est jusqu’à présent opposé.
Pour que l’accord puisse entrer en vigueur, il faudra un vote à la majorité qualifiée au Conseil. Le vote pourrait être serré, car plusieurs États ont déjà affirmé qu’ils n’étaient pas sûrs de voter le texte, dont l’Italie, la Roumanie, la Pologne, l’Autriche, la Belgique et les Pays-Bas. La déclaration du Président de la République est donc un très mauvais signal envoyé à ses partenaires opposés à l’accord. Ensuite, le Parlement européen devra aussi se prononcer, et l’on sait déjà que les votes seront très serrés.
Génération Écologie sera mobilisée pour faire échouer ce processus de ratification.
Adam Rigo